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Le Plumier

22 novembre 2009

Camus au Panthéon

the_famous_pose_of_albert_camus1_mCamus au Panthéon? Quelle idée saugrenue, d'autant plus émanant d'un homme pour qui la littérature est source d'ennui. Gageons qu'il n'a pas même lu un chapitre d'un seul livre de l'écrivain. S'il s'en était donné la peine il saurait ce que représentait pour le gisant de Lourmarin, cette apothéose de l'emphase. Prix Nobel, il ne le refusa pas à l'inverse de son frère-ennemi Sartre, mais s'interrogea sur sa pertinence en ce qui le concernait, ayant pour sa part, s'il avait été sollicité, choisi Malraux sur lequel il avait eu projet d'écrire un essai. Son discours de Suède s'adressant à Louis Germain, l'instituteur qui avait su discerner chez l'enfant pauvre d'Alger tout le possible dont il était porteur en le présentant à l'examen des bourses en mai 1923.
Mais de cela il ne s'agit que de broutilles, comme ce le serait de dire qu'il était libertaire jusqu'au bout des ongles, soutane dont l'affublent tous ceux qui n'ont rien d'autre à dire. Epris de justice et de liberté, oui, jusqu'à rejeter toute idée de vengeance violente: "A la haine des bourreaux a répondu la haine des victimes" dit-il à propos des exactions commises après la Libération, sur les collaborateurs; "C'est à l'ennemi qu'on cède encore... il faut guérir ces cœurs empoisonnés...". Si c'est cela être libertaire pour eux, je leur laisse bien volontiers le vocable, car le baptisant ainsi ils reconnaissent implicitement la normalité des crimes commis au prétexte de rendre justice. L'homme révolté n'est pas libertaire, il s'insurge simplement contre la bêtise et l'inhumaine condition que, d'un bord ou de l'autre, les hommes font vivre à d'autres humains. Il s'agit ni plus ni moins que d'être juste.
Et puis, que Sarkozy veuille à nouveau récupérer l'image d'un humaniste qui, n'en doutons pas une seconde, l'aurait combattu, n'est en rien faire preuve d'admiration pour l'œuvre et l'auteur, mais participe d'une vulgarité politicienne éhontée et d'un orgueil imbécile à l'opposée de l'humilité dont était pétri Camus.
Qu'importe? questionneront quelques uns, après tout c'est un hommage que la France rend à l'un de ses écrivains et que ses ossements reposent sous la terre du Lubéron ou sous les voûtes lugubres du mausolée qu'on aperçoit à gauche en remontant la rue Saint-jacques, il doit s'en moquer aujourd'hui qu'il n'est plus.
Pas si sûr. "Mon royaume tout entier est de ce monde", écrivait Camus dans Noces, et son combat était celui d'abattre les prisons de pierres que bâtissent les hommes où ils claquemurent leur esprit. Il n'est que de lire les dernières pages de l'essai que lui consacra jadis Morvan Lebesque où il le cite: "Si la seule solution est la mort, nous ne sommes pas sur la bonne voie. La bonne voie est celle qui mène à la vie, au soleil."
Le soleil ne caresse jamais les tombeaux du Panthéon.


Les citations sont extraites de "Camus par lui-même" - Morvan Lebesque - Ecrivains de toujours - Editions du Seuil.

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8 septembre 2009

Simplifier l'orthographe, ça ne marche pas!

marcheurJe pourrais prendre pour exemple tous les métiers du monde ou tous les arts pour illustrer mon propos. Un potier qui ne saurait travailler l'argile risquerait fort de ne créer qu'informe poterie inutile et pas même décorative. Mais on me taxerait de biaiser ma démonstration au prétexte que modeler la glaise ne s'applique pas à tous et n'est pas forcément nécessaire, alors que parler et écrire notre langue relève d'une activité quotidienne et indispensable.
Je pendrai donc pour exemples la marche ou bien le goût, mais encore la tenue et pourquoi pas l'expression, toutes ces choses qui monopolisent notre existence alors même que nous n'en avons nulle conscience.
Marcher est un défi à l'équilibre puisque l'ensemble du corps ne repose que sur un seul point d'appui lorsque l'une des jambes se projette vers l'avant, en alternance, comme pour chuter. Pour contrecarrer le mouvement du bassin et conserver son axe, alors qu'il effectue un mouvement rotatoire, le bras, du côté de la jambe qui avance, est rejeté en arrière. Pas simple pour un nourrisson dont l'exploration terrestre se fait en rampant ou à quatre pattes. Après l'apprentissage, pourtant, long et douloureux lors de quelques chutes, il effectuera le mouvement sans y prendre garde, puis développera sa propre manière de se déplacer. Sans cela l'enfant ne marchera jamais et certaines pathologies génétiques, acquises ou accidentelles condamnent au fauteuil.
Le goût, également, ne s'acquiert qu'avec l'apprentissage et le refus d'une nourriture inconnue est patente chez l'enfant qui ne l'accepte qu'à l'exemple de ses parents l'absorbant devant lui. Vieux réflexe de notre animalité omnivore qui nous fait se méfier de tout ce qui est nouveau. Mais une fois le goût acquis, libre à l'enfant d'en développer les nuances et les mélanges. Les ruminants n'ont pas ce dilemme, ils broutent la même herbe depuis l'origine.
Quant à la tenue et l'expression, il s'agit toujours d'apprentissage et donc d'éducation. Selon ce que l'on vous aura montré et selon l'effort que vous aurez fait pour les acquérir, ou votre simple disposition, vous paraîtrez, pour simplifier, exquis ou vulgaire.
Et il en est ainsi de la langue et plus particulièrement de l'orthographe que quelques invalides s'échinent à vouloir simplifier. Mais comme on ne peut simplifier la marche pour avancer, au risque de claudiquer, il en est de même de l'écriture pour se faire comprendre, au risque de se ridiculiser. François de Closets, qui a commis un bouquin totalement inutile sur l'opportunité de simplifier l'orthographe, avoue avoir souffert de ne pas toujours savoir correctement écrire. Il a pourtant vagabondé du droit à la science et que je sache, cette dernière ne se complaît pas dans l'approximation. Imaginez un chimiste disposant des atomes de carbone comme bon lui semble, peut-être obtiendrait-il un composé —après tout, pourquoi pas, si les liaisons s'acceptent?— très original, mais totalement inutile, certainement.
Il y a des règles pour tout —malheureusement diront certains— et c'est à partir de ces règles, étudiées, acquises, maîtrisées, que s'élabore ensuite l'œuvre ou l'ouvrage. Le meilleur exemple est celui de la peinture où les plus grands de nos contemporains ont d'abord acquis les fondamentaux en copiant les classiques avant de déstructurer leurs toiles. Ceux qui n'en passent pas par là ne font que des croûtes dont ils pensent qu'elles sont des chefs d'œuvre. Sans doute du point de vue de leur grammaire ceux qui n'ont pas fait l'effort de dominer l'orthographe aimeraient-ils qu'elle fût à leur image, mais au risque de devenir incompréhensible la langue avec eux, qui plus est, s'en retournera vers l'origine: l'onomatopée.
Ainsi de tout artisan dont le travail doit s'accomplir dans les règles de l'art, sinon on aborde aux rives du bricolage.
Tout comme un enfant rebelle à la difficulté de la marche reste l'animal à quatre pattes que nous fûmes originellement.

15 août 2009

C.F. Ramuz.

01037754921Céline affirmait —peut-être pour ce qu'il lui redevait dans l'émergence d'un style où l'écrit et le parlé tentent de se confondre— qu'il serait, avec lui, le romancier dont on lirait les œuvres au cours de ce XXIe siècle. Je ne sais si cette prédiction se réalisera, ce qui est certain en revanche, c'est qu'on n'entre pas dans l'univers de Ramuz sans éprouver nostalgie, attrait et découverte d'un monde aux personnages troublants. Par les images qu'il suscite du pays Vaudois, contrée rude, contrastée, et les personnages qu'il peint, âpres, cruels, naïfs aussi, il me rappelle Giono, moins flamboyant sans doute, plus intimiste, plus proche d'une réalité dont on se demande si elle ne désagrège pas encore, toujours, les êtres qui la vivent dans quelque recoin de nos montagnes, de nos vallées, mais aussi au cœur même de nos villes.
Il y a chez Ramuz d'abord une langue, travaillée, fondue dans le creuset de sa passion qui peut déconcerter de prime abord, précurseur d'une oralité qu'il voulait transcender pour la fusionner dans l'écrit, s'interrogeant sur la nécessité, l'emploi d'un terme, d'une expression, tel, par exemple cet "à cause que" qu'on ne rencontre plus guère, correct cependant —mais l'écrivain n'est-il pas aussi et surtout le forgeron des mots, n'en déplaisent aux puristes?— et qu'on retrouve chez les auteurs classiques. Tallemant des Réaux en fait un usage immodéré. Lorsqu'on aborde les premières lignes de ses romans l'écriture paraît simple, voire simpliste, mais trois lignes plus bas on est déjà dans l'histoire, on sent l'odeur de la terre ou le goût du potage du soir, on subodore la misère, le chagrin mais aussi les joies que vont vivre ceux qui s'animent sous la lecture, on pressent le mystique des combats que vont se livrer les personnages de ces multiples aventures qui s'étayent comme ceux d'une bible.
Car c'est également cela qui sous-tend l'œuvre de Ramuz, ce protestant nourrit d'étude biblique, foi qu'il abandonne pour l'agnosticisme, cette relation du divin avec le terrestre, dont quelques ouvrages, comme celui que je lis en ce moment, "Le Règne de l'esprit malin", font état de cette confrontation de la vie terrestre avec l'inexplicable, le mystère.
Les hommes étant pétris dans le malaxage des événements qui se succèdent, incompréhensibles à leur esprit irrationnel, les poussant jusqu'à la mort, jusqu'au crime.
Ramuz peint l'univers du petit peuple, villageois ou campagnard, dont les émotions, les actions, les troubles, l'amour, la haine, la jalousie vont bien au delà de ses montagnes natales, franchissant les limites de leur microcosme pour venir nous parler, nous émouvoir, nous étonner.
Nous ressembler parfois.

Ramuz - Romans - La Pléiade, tome I et II
 

3 août 2009

Le livre du Graal.

9782070113446_1_75Je l'attendais depuis de longs mois. Le troisième tome du Livre du Graal est sorti fin mai dans la Bibliothèque de la Pléiade. Après avoir lu les deux premiers volumes des aventures d'Arthur et de ses chevaliers, me manquait comme une frustration la poursuite de cette quête du Graal par Perceval et Galaad suivant la dernière partie de celle de Lancelot.
C'est chose faite désormais et je dois dire, en complément des œuvres de Chrétien de Troyes dont il ne faut pas oublier qu'il fut l'origine de cette somptueuse saga, que tout ce qui fut écrit depuis, en terme d'aventure extraordinaire, fait pâle figure eu égard aux exploits des Chevaliers de la Table Ronde aidés en cela par une espèce de Deus ex machina venant toujours à propos guérir, réconforter ou sauver les preux s'entre-tuant.
Nos enfants qui se repaissent de "mangas" devraient à l'évidence y trouver leur bonheur de spectaculaire, de merveilleux et d'irréel avec en prime une leçon d'écriture dans la traduction en français moderne, quasi parfaite, de l'équipe dirigée par Daniel Poirion. Si le cœur leur en dit, ils pourront également lire le texte en vieux français puisque chaque page des trois tomes est partagée par les deux versions.
Il n'est pas utile de rappeler l'histoire du roi Arthur, ce jeune homme inconnu qui devient roi grâce à l'aide divine, seul capable de tirer l'épée Excalibur du bloc de pierre dans lequel elle était fichée. Le cinéma et diverses narrations ou bandes dessinées ont repris le thème de cette quête du Saint Graal qui a marqué les esprits du Moyen-Âge. Plus que tout, Cervantès, lecteur sans doute attentif du roman lors de sa captivité, a su modeler selon son imagination et son humour la chevauchée de ces hommes sans crainte dans son Don Quichotte.
Il n'est pas rare en effet, au cours de la lecture du Graal, de voir se superposer les images des héros respectifs de la légende sur celle du pauvre hidalgo, mises à part les tueries et autres massacres dignes des épopées les plus sanglantes. La mort, en ce temps-là, n'était pas perçue comme de nos jours, certains qu'ils étaient d'accéder, à travers elle, à la droite du père. Car on assiste à la messe, on communie et suit avec assiduité les différentes heures de prière avant de tuer sans vergogne. Il y a toujours une abbaye ou un ermitage proche pour y aller s'agenouiller.
Et les combats sont féroces, sans merci; les ruses nombreuses; les amours évoquées sans honte; mais la virginité, érigée en symbole, seule capable d'amener à son terme la quête du héros, est le fil rouge de ce roman, simple récit à l'origine, qui fut le best-seller, la nourriture spirituelle des esprits du Moyen-Âge.
On ne peut accéder à la finalité, au but de cette quête, que le corps vierge et l'âme pure, quand bien même le sang tacherait-il la main du héros qui ficha, en se brisant, la lance qu'elle tenait dans la chair de ceux qui osèrent s'opposer à l'œuvre qu'il devait accomplir.
Toute recherche, toute œuvre ne se peut concrétiser sans la totale abnégation de celui qui l'entreprend. En cela ce conte est d'une étonnante modernité.

Le Livre du Graal - tome III - La Pléiade - Gallimard - 65€

1 juin 2009

Bernard Debré, un humaniste.

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Bernard Debré est professeur de médecine avant d'être un homme politique. C'est aussi un humaniste qui se dessine au travers des pages de son dictionnaire amoureux qui, comme tous les tomes de cette collection éditée par Plon, peut se lire au choix article par article ou selon le désir, au hasard des sujets classés par ordre alphabétique, en se référant spontanément au thème choisi. Lorsque j'acquis l'ouvrage je pensai y trouver le détail de certaines pathologies ou bien encore des éléments me permettant d'y découvrir diagnostics et thérapeutiques. Si l'on y trouve quelques informations de ce type, ce n'est pas un annuaire ou une encyclopédie médicale. C'est autre chose où l'auteur nous livre le fond de sa pensée, mêlant à ses connaissances l'humour, la pertinence, la mythologie et enfin la religion, qui n'est que la continuité de son précédent.
Précisant dans son avant-propos que "la religion et la médecine ont dormi longtemps dans le même lit", chamans et plantes participant de guérisons aléatoires, la dichotomie se fit prégnante au fur et à mesure que progressait la science. On constate à le lire que même de nos jours, en ce début de XXI e siècle où la science est omniprésente, les peurs, les angoisses et les préjugés n'ont pas encore été bannis de l'esprit des hommes. Face à la maladie l'ignorance nous égare et fait rejeter, comme autrefois lépreux ou pestiférés, ceux atteints d'affections qui effrayent. Et la religion, quelle que soit la divinité pour laquelle elle impose ses croyances, n'est pas absente dans le refus caractériel du progrès.
De la plus simple protection permettant la non-transmission du sida à la pratique de l'avortement, de l'eugénisme à la mort assistée, de la recherche sur les cellules souches aux mères porteuses, les églises ou, pire, les sectes, refusent à priori toute avancée. Mais la science a toujours su franchir les obstacles et poursuivre, pour le bien de l'humanité, sa progression.
Nous ne partageons pas les mêmes opinions politiques, mais il en est une que je fais mienne lorsqu'il écrit que "...je rejette viscéralement: un système dans lequel les aspirations individuelles ne compteraient pour rien face à la norme collective, norme imposée aussi bien par une idéologie scientifique dominante que par un Etat dictatorial..."
Entre l'outrance, le fascisme des uns (tel ce meurtre, perpétré aujourd'hui, du  médecin américain, George Tiller, pratiquant l'IVG) et la tiédeur des autres, il est salutaire que des voix s'élèvent pour apporter un autre refrain, celui de l'humanisme. Bernard Debré fait partie de ces rares esprits.

B.Debré - Dictionnaire amoureux de la médecine - Plon - 24€

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21 mai 2009

Pierre Michon: "Les onze".

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"Les Onze" est un tableau imaginaire commandé par trois sans-culottes à l'un des peintres, tout aussi fictif, de l'atelier de David. Michon, de son écriture évocatrice, riche et d'une pureté rafraîchissante dans ce magma de parutions qui nous envahit désormais, nous fait pénétrer dans l'univers sombre de la Terreur où les machinations, car ce tableau en est une dont on comprendra la signification à la fin de ce court récit, vous conduisaient, sans en connaître toujours les raisons, vers la guillotine. Le Comité de Salut Public ravageait les têtes avant de ravager celles de ses membres.
Ce livre, Pierre Michon ne l'aurait probablement jamais écrit sans l'intervention de son éditeur. En gestation depuis une quinzaine d'années, il ne parvenait pas à renouer le dialogue avec ses personnages. Puis un jour, par la simple interversion d'un mot au sein d'une phrase, la musique a repris son rythme. On ressent bien, lorsqu'on aborde la seconde partie de l'œuvre, le déclic qui s'est produit. Dans une récente interview Michon le précise. Lorsque Proli demande à Corentin, ce peintre limousin dont la généalogie déroulée en première partie fait corps avec celle de l'auteur, s'il veut honorer une commande, il lui pose la question, mais si elle fut purement interrogative dans un premier temps, ce qui ne satisfaisait pas l'auteur, le travail inlassable de l'écrivain porta ses fruits lorsqu'il devina que cette demande devait être également un ordre.
A la première version, "veux-tu honorer une commande, citoyen peintre?", succéda celle qu'on lit désormais et qui permit à Pierre Michon de poursuivre: "Tu veux honorer une commande, citoyen peintre?"
Tout est là, une simple inversion, une infime correction et c'est l'engrenage qui reprend son mouvement pour aboutir à la création telle qu'on la souhaite, mêlant réalité et fiction, imposant à l'esprit une peinture des mœurs de cette époque trouble et cruelle, dessinant cette hydre à onze têtes jamais réunies et pourtant tant dépendantes les unes des autres. C'est ce qui fait la différence entre un auteur et les écrivaillons dont la prose ne captive nullement. Celle de Pierre Michon est à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas, à savourer pour ceux qui le lisent depuis longtemps. Auteur à part dans les lettres françaises, presque confidentiel, il est le garant de la pureté d'une langue dont la déliquescence, texto après texto, ne peut qu'émouvoir les amoureux de notre culture.

Editions Verdier: "Les onze"

22 avril 2009

La Bibliothèque numérique mondiale.

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La BNF y est peu représentée puisque pour le moment seuls huit documents sont accessibles. Mais l'avenir, que l'on souhaite florissant à la Bibliothèque numérique mondiale (BNM) lancée hier mardi par l'Unesco, devrait apporter son lot de manuscrits, photos et autres trésors qui sont la mémoire de l'humanité, au fur et à mesure de son évolution.
Ce n'est pas une encyclopédie, un dictionnaire, mais une sorte de médiathèque universelle où d'un simple clic chacun accède à ce qu'il n'aurait sans doute jamais connu sans cette fantastique ouverture sur le monde qu'offre internet. A moins d'acquérir une multitude d'ouvrages —dont on sait qu'ils demeurent indispensables— colligeant ces documents, ou d'aller, pérégrin assoiffé de découvertes, de musées en bibliothèques compulser, lorsque c'est accessible, les œuvres des hommes de 8000 avant notre ère jusqu'à nos jours.
Le site s'ouvre sur une planisphère répertoriant le nombre des "objets" afférents aux continents et sous continents. Il suffit de se positionner sur l'un d'eux et de presser la souris pour accéder à l'ensemble des documents offerts pour le lieu considéré puis de choisir.
Sous la carte, une échelle du temps modifie les choix, allant de -8000 à +1950.
Une autre possibilité permet de naviguer selon ce que l'on privilégie, le lieu, la période, le thème etc...
A l'heure actuelle la BNM contient environ 1500 documents, loin derrière Google et sa numérisation de livres. Mais le but n'est pas identique, privilégiant la qualité à la quantité, le site offre les éléments qui ont fait l'histoire des hommes et le patrimoine de l'humanité. C'est ainsi que j'ai pu admirer le livre d'heures, prières en latin destinées aux laïcs diffusées à la fin de l'époque médiévale, issu des ateliers de Geoffroy Tory, graveur parisien du début des années 1500, mais aussi grammairien. Imprimeur du roi grâce à François 1 er, il eut pour apprenti Claude Garamond dont le nom perdure dans les caractères d'imprimerie utilisés par l'édition.
Bien évidemment on préférerait avoir entre ses mains l'original, mais peut-on imaginer  tel scénario, avec la certitude de voir l'œuvre se détruire inexorablement sous l'usure des caresses, pourtant amoureuses.
Nous vivons une époque magnifique où tout devient accessible, à portée d'un clic, où le savoir, la connaissance, la découverte, s'ouvrent au plus grand nombre grâce au développement d'une communication totalement éclatée et pas si virtuelle que cela. Il suffit d'enregistrer, d'imprimer pour détenir l'enregistrement d'une Marseillaise datant de 1898 ou la copie d'un incunable.
Pour parfaire l'ensemble, ce site est entièrement gratuit, publié en plusieurs langues, dont le français bien évidemment, et d'une richesse qui ne demande qu'à grandir. A l'abri des législateurs de tout acabit à qui l'on demande d'aller légiférer au large, n'ayant pas compris que ce que l'on découvre sur un écran incite aussi un esprit curieux à se déplacer vers le musée, la bibliothèque, le libraire, le disquaire, la salle obscure où il pourra venir admirer ce qui l'a fait rêver.

16 avril 2009

Druon, témoin d'une époque.

Que retiendra-t-on de Maurice Druon? Le chant des Partisans, sans aucun doute, qu'il écrivit à deux voix avec son oncle, Joseph Kessel, sur une musique d'Anna Marly. Quant au reste, une œuvre littéraire dont on se souviendra qu'elle fut —en tout cas pour "Les Rois Maudits", puisqu'il l'avouait lui-même avec élégance— en partie écrite avec l'aide de quelques auteurs, dont Edmonde Charles-Roux, mais qui le propulsa tout de même vers le Quai Conti où il devint secrétaire perpétuel de la docte assemblée. Classique jusqu'au bout de sa cigarette, il accepta mal l'arrivée de Marguerite Yourcenar —une femme à l'Académie! oui, mais quelle femme!— sachant cependant céder sa place à une autre, Hélène Carrère d'Encausse, faisant preuve de noblesse lorsque l'âge l'y contraignit, mais nullement l'obligation.
Ce que je retiendrai pour ma part, certes pas son attitude énergiquement conservatrice, mais tout d'abord la pureté de sa langue lorsqu'il s'exprimait. Peu savaient parler avec une telle aptitude à dire le mot juste, peu le peuvent de nos jours, avec en prime cette emphase qui rappelait celle de Sacha Guitry. Peut-être cette ascendance Russe.
Dans la banalité, la platitude de notre esthétique contemporaine, par son port vestimentaire, par son parler, par ses certitudes, par toute sa façon d'être, il tranchait et donnait l'image —désuète peut-être, ou plutôt archaïque aux yeux de certains— d'une originalité qu'on ne rencontre plus.
Je ne partageais pas, loin de là, ses opinions, hormis son intransigeance dans la défense de la langue et son refus de la féminisation absurde des mots, au nom d'une suprématie machiste comme le serinent quelques féministes écervelées. Il faut aussi, face à une trop grande désincarnation de la langue, un gardien du Temple dont la sévérité contribue à limiter les dérives incongrues, et savoir trouver le bon équilibre.
Il fut aussi cet enfant côtoyant Mermoz ou Saint-Exupéry de passage chez Kessel. Il fut cet officier de cavalerie chargeant, avec les cadets de Saumur ses frères d'arme, l'envahisseur Nazi. Il fut le patriote s'embarquant pour Londres où il devint l'aide de camp de d'Astier de la Vigerie. Ministre éphémère et peu brillant sous Pompidou, son intransigeante politique culturelle axée sur le passé et l'ordre lui vaudra les foudres des intellectuels de l'époque.
D'une jeunesse hardie, Druon va glisser vers une maturité plus conservatrice, voire réactionnaire.
Ce ne fut pas le dernier grand écrivain à disparaître. Il n'avait ni la puissance politique ni la stature littéraire d'un Malraux ou d'un Sartre. Eux furent sans doute les derniers représentants d'une race d'hommes qu'on ne reverra plus. Mais il était le témoin d'une époque révolue et à ce titre un hommage lui devait d'être rendu.
Je le fais en vous proposant le Chant des Partisans dans une version magnifique chantée par Marc Ogeret.




Le Chant des partisans (hommage 8 mai)

Puisque la vidéo a été supprimée, je ne sais pourquoi, je vous propose le Chœur de l'Armée Française interprétant ce Chant des Partisans.

23 février 2009

"La première vie" de B. Ruhaud.

375970Nanterre dans les années cinquante, la banlieue pauvre, ouvrière où le parti communiste affirme sa présence dans un combat de chaque jour mené par des hommes à l'espoir chevillé au corps. Bernard Ruhaud, dans son premier récit, nous la décrit cette banlieue de son enfance où malgré tout le bonheur ressemblait à ces photos de Doisneau d'enfants batifolant dans les rues.
Entre les manifs où il suivait son père, la distribution de l'Huma, les affiches à coller et la violence de l'époque, un visage se détache, celui de sa mère, toujours présente et dont la mort évoquée clôt l'ouvrage. L'écriture est simple, brute, sans fioritures, comme l'étaient ces années d'après guerre où tout était à reconstruire, même l'espérance.
J'ai lu "La Première Vie" au moment de sa sortie, il y a une dizaine d'années, et si j'en parle aujourd'hui, c'est que l'actualité nous y ramène dans cet épisode tragico-comique écrit stupidement par la police verbalisant Lounis Ibadioune, militant communiste vendant l'Humanité-Dimanche sur un marché de la Goutte d'Or.
Les flics, toujours, auront une tendance maladive à ne pas réfléchir, tout comme hier ils bastonnaient dans le quartier de Nanterre.
Bernard Ruhaud est aussi un délicieux poète. "Strictement pour Josiane" est un recueil d'une cinquantaine de poèmes dédiés à son épouse. Chaque mot est un aveu d'amour.
                                  "Le chemin — c'est pareil
                                Il se perd dans la montagne
                              Comme le matin dans tes yeux."

"La Première vie" , B. Ruhaud, Stock, 12,04€
"Strictement pour Josiane", B. Ruhaud, Rumeur des Ages, 7,50€

20 janvier 2009

P.H. SIMON et la littérature.


J’ai rencontré Pierre-Henri SIMON aux alentours de mes vingt ans, cinq ou six ans avant son décès. Nous avions parlé de MAURIAC, qu’il admirait, que je vénérais. Je ne sais s’il fut aise de discourir d’un autre plutôt que de lui et de son œuvre, que je ne connaissais pratiquement pas à l’époque, mais la profonde humanité qui émanait de cet homme me convainquit qu’il n’en prît ombrage. Il me souvient aussi d’une certaine lassitude dans son regard, qui disparut lorsque nous évoquâmes quelques secondes ses sœurs, amies de ma grand-mère paternelle, qui l’encensaient comme une icône dans leur demeure saintaise. Nous les nommions “les demoiselles”.
Cet écrivain, intellectuel catholique engagé, qui fut un des premiers et des rares à combattre la torture en Algérie, parle ici de la littérature d’après les années cinquante. Rien n’a guère changé, et comme le préconise SOLLERS, lisez les classiques, car dans ce fatras de parutions dont on nous abreuve à longueur de semaine, combien d'auteurs se distinguent de l'uniformité et de la platitude du langage?

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