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Le Plumier
21 mai 2009

Pierre Michon: "Les onze".

lesonze

"Les Onze" est un tableau imaginaire commandé par trois sans-culottes à l'un des peintres, tout aussi fictif, de l'atelier de David. Michon, de son écriture évocatrice, riche et d'une pureté rafraîchissante dans ce magma de parutions qui nous envahit désormais, nous fait pénétrer dans l'univers sombre de la Terreur où les machinations, car ce tableau en est une dont on comprendra la signification à la fin de ce court récit, vous conduisaient, sans en connaître toujours les raisons, vers la guillotine. Le Comité de Salut Public ravageait les têtes avant de ravager celles de ses membres.
Ce livre, Pierre Michon ne l'aurait probablement jamais écrit sans l'intervention de son éditeur. En gestation depuis une quinzaine d'années, il ne parvenait pas à renouer le dialogue avec ses personnages. Puis un jour, par la simple interversion d'un mot au sein d'une phrase, la musique a repris son rythme. On ressent bien, lorsqu'on aborde la seconde partie de l'œuvre, le déclic qui s'est produit. Dans une récente interview Michon le précise. Lorsque Proli demande à Corentin, ce peintre limousin dont la généalogie déroulée en première partie fait corps avec celle de l'auteur, s'il veut honorer une commande, il lui pose la question, mais si elle fut purement interrogative dans un premier temps, ce qui ne satisfaisait pas l'auteur, le travail inlassable de l'écrivain porta ses fruits lorsqu'il devina que cette demande devait être également un ordre.
A la première version, "veux-tu honorer une commande, citoyen peintre?", succéda celle qu'on lit désormais et qui permit à Pierre Michon de poursuivre: "Tu veux honorer une commande, citoyen peintre?"
Tout est là, une simple inversion, une infime correction et c'est l'engrenage qui reprend son mouvement pour aboutir à la création telle qu'on la souhaite, mêlant réalité et fiction, imposant à l'esprit une peinture des mœurs de cette époque trouble et cruelle, dessinant cette hydre à onze têtes jamais réunies et pourtant tant dépendantes les unes des autres. C'est ce qui fait la différence entre un auteur et les écrivaillons dont la prose ne captive nullement. Celle de Pierre Michon est à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas, à savourer pour ceux qui le lisent depuis longtemps. Auteur à part dans les lettres françaises, presque confidentiel, il est le garant de la pureté d'une langue dont la déliquescence, texto après texto, ne peut qu'émouvoir les amoureux de notre culture.

Editions Verdier: "Les onze"

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