Sabine Sicaud
Je connaissais quelques fragments des poèmes de Sabine Sicaud, "l'enfant-poète" comme la nomme Robert Sabatier dans sa monumentale histoire de la poésie française où je la découvris. D'emblée j'avais aimé ces vers au charme printanier, puis nostalgiques et douloureux à la progression de la maladie qui devait l'emporter à l'âge de quinze ans. Nulle trace de ses ouvrages, nulle part; alors l'oubli peu à peu s'était installé, regrettant de ne pouvoir aller plus avant dans la découverte de cette enfant dont la prodigieuse maturité l'aurait conviée dans le cénacle des plus grands.
Puis hier soir, et c'est la fantastique prouesse d'internet, parmi les blogues du journal Sud-Ouest, je la rencontrai à nouveau. Sous l'impulsion de Michelle Corti (Marcek ou coquelinette), un de ses amis québécois, Guy Rancourt, a crée un site qui lui est totalement consacré.
Sabine Sicaud est née à Villeneuve-sur-Lot. Dès l'âge de neuf ans elle écrit son premier poème. Pendant six ans, six petites années, elle continuera de marquer de son écriture juvénile ses carnets de poèmes, jusqu'à l'âge de quinze ans où la maladie l'emportera.
Je ne développerai pas plus avant sa brève existence; vous la découvrirez sur le site qui contient l'intégralité de son œuvre connue ainsi que sa biographie. Un de ses volumes, publié de son vivant, fut préfacé par Anna de Noailles.
Mais plus que de vous parler de son œuvre, je vous incite à la découvrir par vous-même. Vraiment, oui vraiment, elle honore la poésie, la littérature, de notre pays. De Marie de France jusqu'à nos jours, elle est l'un de ces diamants d'un collier ininterrompu lové dans l'écrin de notre langue.
Quelques poèmes, extraits du site ou de l'anthologie de Robert Sabatier, pour vous convaincre que la beauté de son regard vous subjuguera.
QUE M'IMPORTE LA COQUE DE TON ÂME.
Et que m'importe la coque de ton âme,
qu'elle soit jeune ou vieille, épaisse ou fine;
que l'on t'appelle un homme ou une femme,
que tu sois une cloche, un gong ou le grelot
d'une source invisible,
j'entendrai bien le son.
HEURE DU PLATANE
Sentez-vous cette odeur, cette odeur fauve et rousse
de beau cuir neuf, chauffé par l'automne qui flambe?
Tous les cuirs du Levant sont là, venus ensemble
de souks lointains saturés d'ambre et de santal.
Des huiles et des gommes d'or les éclaboussent.
SOUFFRANCE, JE VOUS HAIS.
Je vous hais...
Vous êtes lâche, injuste, criminelle, prête
Aux pires trahisons! je sais
Que vous serez mon ennemie infatigable
Désormais... Désormais, puisqu'il ne se peut pas
Que le plus tendre parc embaumé de lilas,
Le plus secret chemin d'herbe folle ou de sable
Permette de vous fuir et de vous oublier.
S'est éteinte cette voix d'enfant en 1928. Elle n'avait que quinze ans.
Le site de Sabine Sicaud
Coquelinette
Michelle Corti
La photo de Sabine Sicaud est tirée du site de Guy Rancourt, qui me pardonnera de la lui avoir empruntée.